Déconfinons notre vie institutionnelle

Déconfinons notre vie institutionnelle - Laurent Fary

Par Laurent Fary, Directeur du département affaires publiques.

 

La période écoulée livre des enseignements utiles sur le plan institutionnel : un Président en « Chef de guerre », une relation ambiguë avec son premier ministre, un Parlement inaudible et, à l’inverse, la montée en puissance du « fait territorial » et de plusieurs leaders locaux. Conscient qu’à la crise économique et sociale pourrait s’ajouter une tempête démocratique, le Chef de l'Etat en a donc appelé à l’union nationale. Notre pays en a besoin. Et le Président n’a pas le choix. La pandémie de Covid-19 paraît d’ailleurs prolonger une « fatalité élyséenne » après le séisme des subprimes en 2008 puis la vague terroriste du quinquennat suivant. En réalité, le mal est plus profond : notre pays semble être entré dans l’ère du consumérisme appliqué à la chose publique. Ainsi, « l’accident » de 2017 – le renoncement de François Hollande - n’était peut-être que l’acte inaugural d’une tendance lourde, assimilant chaque quinquennat à la chronique d’une défiance continue. Ce quinquennat dont on voit à quel point il a intensifié « l’hyper présidentialisation » du régime. Dès lors, l’agenda élyséen semble happé par une actualité qui défile en accéléré : ce qu’Emmanuel Macron regrettait dès octobre 2018, dénonçant la « tyrannie de l’immédiat ».

 

« Notre pays semble être entré dans l'ère du consumérisme appliqué à la chose publique »

 

La crise en cours a donc confirmé l’impérieuse nécessité de repenser notre édifice institutionnel. Emmanuel Macron adresserait aux Français un message fort en initiant cette nouvelle « donne démocratique » Dans ses cartons « pré-Covid », il dispose précisément de deux projets devenus plus pertinents que jamais : une réforme constitutionnelle d’une part, une nouvelle phase de décentralisation, d’autre part. Sur la première et loin de toute exhaustivité, on voit bien qu’il devient impératif de déconnecter la durée du mandat présidentiel de celle du mandat législatif, à la fois pour restaurer l’horloge élyséenne – un mandat de six ans, à l’instar du maire ou du conseiller régional ? – tout en renforçant le rôle du Parlement. Libérer le député d’un choix frustrant entre godillot ou frondeur est devenu nécessaire, en le dotant de moyens de contrôle, de créativité et d’investigation sensiblement accrus et en supprimant le droit de dissolution.

 

« Il devient impératif de déconnecter la durée du mandat présidentiel de celle du mandat législatif »

 

Quant au « nouvel acte de décentralisation » annoncé au printemps 2019, il devrait encourager à la fois de nouveaux transferts de compétences notamment dans le champ écologique, favoriser une application des politiques publiques selon la spécificité de chaque territoire et donner un débouché concret au droit constitutionnel « à l’expérimentation », peu utilisé dans les faits. 

 

Aborder ces chantiers avec audace permettrait de mettre autour de la table toutes les bonnes volontés républicaines. Et cela ferait écho à ce qu’Emmanuel Macron déclarait au Time en septembre 2019 : « Bâtir une nouvelle France est mon obsession ». C’était peu après l’épisode des « gilets jaunes » : une crise démocratique, déjà…